Pour ceux qui aiment vivre "dangereusement"
Deux heures ont passé, et plus de deux cents kilomètres ont défilé à vive allure dans une douce quiétude feutrée.
Ils ont quitté la grand'route bordée de peupliers, où ils fonçaient comme une flèche à 153 km/h, et ils serpentent maintenant les collines rocailleuses et les vallées boisées.
C'est lui qui conduit à présent, et la voiture consciente, semble-t-il, de sa plus grande dextérité, obéit à ses ordres fermes avec la rapidité de l'éclair.
En pleine accélération, il aborde une pente abrupte, donne un coup de frein brutal pour éviter une charrette malencontreusement placée là. Dans le sifflement strident des avertisseurs jumelés, les puissants disques de 264 mm de diamètre entrent en action, et c'est le miracle, le désastre évité dans la plus parfaite sérénité et avec un sang-froid imperturbable.
Puis, il repasse ses vitesses. En 7 secondes 1/2, il est à 80, en 10 secondes 1/2 il monte à 96. II reste en 3ème jusqu'à ce que l'aiguille du compte-tours atteigne les 6.000 tours, et que le compteur marque 154 : il pousse alors en souplesse le levier trapu sur la quatrième.
Un virage à droite sans visibilité, une légère pression sur la pédale de frein pour rétrograder, deux grognements brefs du moteur, un mouvement imperceptible sur le volant, et la voiture jaune amorce vigoureusement son virage. Les carcasses radiales crissent sur le gravier, s'accrochant aux pierres, les triangles inférieurs se raidissent, défiant les lois de la gravité.
A la sortie du virage, la route est libre. Les carburateurs jumelés Stromberg sifflent, permettant aux pistons en alliage d'aluminium de travailler à plein rendement.
Le conducteur ramène doucement le volant en position normale, il jette un coup d'oeil sur sa compagne, qui est parfaitement détendue, pleine de confiance en sa virtuosité de pilote, et en la robustesse à toute épreuve de la mécanique qui l'entoure et la protège.
Les voici maintenant en pleine montagne, le six cylindres de 1998 cm3 propulse la voiture au sommet du col avec une aisance déconcertante. Comme l'air se rafraîchit, la jeune femme met la soufflerie à 2 vitesses en marche, oriente la bouche d'air et savoure la douce tiédeur qui l'enveloppe.
Puis, c'est la frontière, ils ont de l'avance et il leur reste de l'essence.
Calmes en apparence, mais l'âme angoissée, ils regardent le douanier soulever d'un air admiratif le capot large articulé vers l'avant et contempler longuement le moteur resplendissant: "Oui, tout est très accessible". "Non, ça c'est l'alternateur" (Quand va-t-il donc en finir?).
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